La justice, dit-on, est aveugle.
Mais en réalité, elle ne l’est que pour ceux qu’elle ne veut pas voir.
Dans nos tribunaux, les dossiers des puissants avancent avec célérité, portés par des avocats prestigieux et des réseaux bien huilés. Pendant ce temps, les petits, les pauvres, les réfugiés, les sans-voix, attendent des mois , parfois des années , qu’on daigne simplement ouvrir leur dossier.
Combien de vies détruites par des procédures interminables ?
Combien de citoyens broyés par un système qui prétend les protéger, alors qu’il les étouffe sous le poids des lenteurs et de la suspicion ?
Quand un riche détourne des millions, on évoque « la complexité du dossier ».
Quand un pauvre vole pour survivre, on parle d’« atteinte grave à la société ».
Deux poids, deux mesures.
La justice n’est plus un pilier : elle est devenue le miroir grossissant de nos inégalités sociales.
Mais le plus grave, c’est que certains de ceux qui ont juré de défendre la justice la trahissent chaque jour.
Des avocats, censés protéger les droits des justiciables, se laissent acheter par le pouvoir ou séduire par les intérêts économiques.
Ils ferment les yeux sur les abus, manipulent la vérité, signent des accords contraires à la morale, et piétinent la dignité de ceux qu’ils devaient défendre.
Par cupidité ou par peur, ils deviennent complices d’un système qui discrimine et humilie les plus faibles.
Quand l’argent devient plus fort que le serment, la robe perd son honneur.
Et quand la défense se tait face à l’injustice, la justice elle-même perd son âme.
Et pourtant, chaque juge, chaque procureur, chaque avocat prête serment d’impartialité.
Mais comment être impartial dans un système déjà biaisé ?
Comment parler d’égalité devant la loi quand l’accès même à la justice dépend du porte-monnaie, de la nationalité ou du carnet d’adresses?
Il est temps d’ouvrir les yeux : la justice n’est pas malade, elle est prise en otage.
Otages des pressions politiques, otages des budgets insuffisants, otages d’une bureaucratie qui a oublié l’humain.
Otages aussi de ces robes noires qui ont oublié que la vérité n’a pas de prix.
La vraie réforme de la justice ne viendra pas d’une nouvelle loi ni d’un discours ministériel.
Elle viendra du courage , celui de juger sans craindre, de défendre sans vendre, et de dire sans trembler :
Toute vie a la même valeur, qu’elle soit vêtue d’un costume ou d’un manteau troué.
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Par AISSEGNAIMON — Juriste et éditorialiste engagée pour la justice et la dignité des peuples.