Il y a des moments où se taire n’est plus de la prudence, mais une complicité. Nous vivons une époque où l’injustice ne se cache même plus : elle s’expose, s’assume, se banalise. Elle se glisse dans les décisions administratives absurdes, dans les lois à géométrie variable, dans les discours qui promettent la dignité tout en organisant l’humiliation.
On nous demande de patienter. Encore. D’attendre que « les choses s’arrangent ». Mais pour qui ? Certainement pas pour les plus vulnérables. Certainement pas pour ceux qui vivent sous pression constante, dépendants de décisions prises loin de leur réalité, par des mains qui ne tremblent jamais quand elles signent.
La justice, aujourd’hui, ressemble trop souvent à un mot creux. On l’invoque dans les discours, mais on l’oublie dans les actes. On parle d’égalité, tout en tolérant des traitements profondément inégaux. On célèbre l’État de droit, mais on ferme les yeux quand le droit devient un obstacle plutôt qu’une protection.
Nous devons être clairs : la dignité humaine n’est pas négociable. Elle ne dépend ni d’un statut, ni d’un dossier, ni d’un compte bancaire. Elle ne devrait jamais être conditionnelle. Une société qui trie les vies dignes de considération est une société qui se trahit elle-même.
Cet éditorial n’est pas un cri de colère gratuit. C’est un rappel. Un rappel que les droits ne sont jamais définitivement acquis. Qu’ils se défendent, chaque jour, par la parole, par l’écrit, par le refus obstiné de l’inacceptable. Se taire, aujourd’hui, c’est laisser faire. Parler, c’est déjà résister.
Nous n’avons pas le luxe de l’indifférence. Pas quand l’injustice frappe à la porte, parfois littéralement. Pas quand la peur devient un outil de gestion. Pas quand la dignité est traitée comme une faveur.
La justice n’a de valeur que si elle protège les plus faibles. Le reste n’est que mise en scène.
✍🏾 Par AISSEGNAIMON — Juriste et éditorialiste engagée pour la justice et la dignité des peuples.
