Dans une grande partie de l’Afrique francophone, un mythe persiste encore :
réussir, c’est travailler dans un bureau.
Pour beaucoup de jeunes, même après des années d’études, la seule voie considérée comme prestigieuse reste la chaise, le bureau, l’air conditionné et un dossier à traiter.
Peu importe que le salaire soit dérisoire, que les perspectives soient limitées ou que la réalité soit décevante : la bureaucratie est perçue comme le sommet de la réussite sociale.
Ce mythe est le produit d’un système éducatif trop littéraire, trop théorique, trop déconnecté du réel.
On forme des diplômés qui maîtrisent les textes, mais pas les outils.
On enseigne la théorie, mais rarement le geste.
On fabrique des CV, mais très peu de compétences opérationnelles.
Le monde du travail évolue pourtant très vite.
Les économies modernes reposent sur la technique, la maîtrise des outils, le numérique, l’innovation, l’artisanat qualifié, l’agroalimentaire, le bâtiment, l’énergie, la technologie, les services…
Et pourtant, l’école continue de pousser les jeunes vers des filières saturées, sans employabilité réelle.
Il est temps de rompre avec ce modèle.
L’Afrique francophone doit enfin bâtir un enseignement qui inclut, dès la base, une formation professionnelle solide.
Un enseignement capable de rendre chaque apprenant immédiatement opérationnel, apte à créer, à produire, à travailler dans des domaines concrets et porteurs.
La dignité ne réside pas dans un bureau : elle réside dans le savoir-faire, la compétence et l’autonomie.
Changer les mentalités est indispensable.
Les jeunes diplômés doivent comprendre que l’entrepreneuriat n’est pas un refuge, mais une voie noble, puissante, et essentielle à notre développement.
Mais pour entreprendre, il faut un environnement qui encourage, et non qui décourage.
Aujourd’hui, beaucoup de jeunes renoncent parce que la fiscalité est écrasante, les procédures administratives complexes, les impôts disproportionnés et l’accompagnement quasi inexistant.
D’autres entreprennent avec courage, malgré l’absence d’école, mais se retrouvent sans formation de base en comptabilité, en gestion, en investissement, en marketing.
Leur potentiel est immense, mais mal encadré.
L’État doit revoir sa copie.
Une fiscalité souple.
Des démarches simples.
Des formations accessibles.
Des structures d’accompagnement proches du terrain.
Des banques qui financent réellement, au lieu de se limiter à être de simples coffres d’épargne.
Un système bancaire qui croit dans la jeunesse plutôt que de la soupçonner.
L’État seul ne pourra jamais employer tous les diplômés.
C’est une illusion qui empêche de voir la réalité :
le développement viendra de la capacité des jeunes à créer, innover, produire et entreprendre.
L’Afrique francophone regorge de talents.
La jeunesse a de la volonté, du courage et un potentiel extraordinaire.
Ce qu’il lui manque, ce n’est pas l’intelligence — elle l’a déjà.
Ce qu’il lui manque, c’est un système qui l’accompagne, la guide, l’encourage et lui ouvre les portes d’un avenir où la réussite ne se limite pas à un bureau, mais s’incarne dans la compétence et dans la création de valeur.
✍🏾 Par AISSEGNAIMON — Juriste et éditorialiste engagée pour la justice et la dignité des peuples.
Éditorial du lundi _ Fasoinfos.com




